Il n’y a plus de peuple.

On le sent. On le sait. La guérilla de tous contre tous est là, omniprésente. Chacun pour soi et Dieu pour personne.

La solidarité n’est plus qu’un slogan publicitaire à usage exclusif de contrées lointaines et famélique. La fraternité n’est même plus un souvenir, à peine un vestige, une ruine mystérieuse, incompréhensible.

Chacun pour soi et Dieu mange tes morts.

On s’invective pour un démarrage trop lent à un feu rouge, s’injurie pour un siège dans le métro, les regards excédés et les moues haineuses fusent au moindre frôlement…

L’autre nous bouffe l’air, occupe notre espace vital, nous impose son odeur, ses bruits, sa gueule aussi morne et renfrognée que la nôtre…

Tout le monde nous épie, nous jauge, nous juge, cherche à nous passer devant, à nous piquer notre place, à nous niquer, nous enculer…

Du serrurier qui casse volontairement la porte qu’il pourrait simplement ouvrir avec une radiographie au garagiste qui remplace moult pièces en parfait état de marche en passant par le médecin qui matraque son patient de dépassements d’honoraires ou le banquier qui conseille des investissements toxiques pour toucher sa commission de fin de mois, tout le monde cherche à baiser tout le monde…

Marcher sur les autres, juste sauver sa gueule, faire deux ou trois billets de plus en magouillant, en trichant, en mentant… Rien à branler, rien à foutre…

Le voisin est un concurrent, le proche un possible adversaire…

L’autre est une gêne, une menace, une odieuse limite à notre individualité, unique finalité de nos jours…

Tout ce qu’il a est quelque chose qu’il nous a volé, tout ce qu’il obtient nous serait normalement dû…

Même plus simples colocataires d’un même pays, juste prisonniers contraints à une irritante promiscuité. Les plus friqués se font la malle à la première occasion, les autres subissent en maugréant et en jurant, en attendant d’être remplacés par de nouveaux venus, encore un peu plus étrangers… »

http://amoyquechault2.over-blog.com/2016/01/no-man-s-land.html

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