Le 21 mai, posons-nous les bonnes questions !

En Angleterre, le district des lacs est célèbre pour ses incroyables parterres de jonquilles. Mais l’hiver exceptionnellement chaud a eu pour effet que les jonquilles ont fleuri et se sont fanées avant que les touristes n’arrivent. Le parc de vacances South Lakeland Parks a réagi en plantant des milliers de fleurs en plastique et en soie à leur place. Je me demande si les propriétaires du parc ont fait le lien avec le changement climatique et ont isolé leurs roulottes, commencé à se procurer leur nourriture localement et à installer des panneaux solaires ? Sinon, c’est là une démonstration d’un type incroyable de déni, un peu comme les celui des hommes d’un certain âge qui couvrent un point de calvitie en peignant les cheveux qui leur reste par-dessus le sommet de leur crâne. Qu’est-ce qui va venir ensuite ? Peut-être nous devrions recouvrir le mont Fuji de milliers de tonnes de fausses neiges pour faire plaisir aux touristes. Nous pourrions fabriquer d’énormes icebergs en plastique et les remorquer jusqu’au Pôle Nord, comme ça, nous pourrions faire semblant que les vrais ne sont pas en train de fondre. Nous pourrions donner à des étudiants des emplois d’été où ils se déguiseraient en orang-outang et se balanceraient dans les arbres aux endroits où ils sont presque disparus. Ou alors, nous pourrions juste arrêter de faire semblant et commencer à réagir. Pour de vrai.

Transition Culture, le mardi 20 mars 2007

 

Lors de la prochaine votation, il ne sera pas question de l’Angleterre, de fleurs ou du réchauffement climatique. En tout cas pas directement. Mais l’intérêt de la Stratégie énergétique 2050 réside dans le fait qu’elle doit amener chacun d’entre nous à se questionner sur le futur. Notre société est aujourd’hui totalement dépendante de l’énergie pétrolière, énergie basée sur une ressource dont les réserves sont non-renouvelables. Or il se trouve que nous en sommes actuellement à traiter des sables bitumineux afin d’en extraire l’or noir. Ce qui, métaphoriquement, reviendrait à la situation d’un alcoolique qui découvre un jour que son bar habituel ne sert plus que du sirop. Pour étancher sa soif et ne pas sombre dans la folie, il se voit alors obligé de faire bouillir la moquette où ont été renversées tant et tant de bières, et espérer en tirer un immonde liquide contenant des traces de son pire ennemi. Voilà concrètement où nous en sommes aujourd’hui.

Les compagnies pétrolières nationales qui détiennent plus de 80% des réserves mondiales nous assurent que le pic pétrolier est un mythe, mais leurs chiffres sont confidentiels. Pourtant, après de nombreux signes annonciateurs (fréquence des fusions de ces entreprises en constante hausse, rachat de leurs propres actions par les compagnies du type d’Exxon ou Chevron), et outre le fait que 60 des 98 pays producteurs de pétrole soient en déclin, la question à se poser n’est plus si la fin du pétrole bon marché arrivera un jour, mais quand.

Or, un monde où il n’est plus possible de se fournir en pétrole à un prix abordable verra des changements radicaux prendre place là où on les attend le moins. Essayez d’imaginer à quoi ressemblerait votre maison et tout ce qu’elle contient, si le pétrole ne vous était plus accessible. Retirez chaque objet qui en a nécessité lors de sa création, de sa transformation, ou de son transport. Vous devriez être maintenant assis dans l’herbe, nu comme un ver… Belle vision n’est-ce pas ?

 

Les efforts d’atténuation de la transition énergétique vont exiger un temps important, idéalement 20 ans, et au minimum une décennie (source : Le rapport Hirsch). Il est donc nécessaire de commencer à changer notre mode de vie dès à présent. La Stratégie énergétique 2050 n’a pas pour prétention de résoudre tous les problèmes. Elle n’est pas une finalité en soi, car ses objectifs ne pourront être atteint sans une remise en question de notre mode de consommation actuelle. Et chacun est responsable d’initier ce changement au niveau personnel. Néanmoins, elle est un indispensable premier pas en commun dans la bonne direction :

Elle va accélérer le financement des recherches et de l’utilisation des énergies renouvelables, et ainsi leur permettre d’être à long termes moins chères, plus efficientes, et plus répandues. A nous ensuite de ne pas laisser les lobbys mettre la main sur ce marché et le corrompre comme ils savent si bien le faire.

Elle va nous permettre de réduire notre consommation électrique en promouvant les assainissements énergétiques des bâtiments, et il faut espérer qu’il en découlera un changement profond de nos habitudes de sur-consommateurs.

Et elle va surtout réduire la dépendance à moyen terme de la Suisse envers les autres pays fournisseurs d’énergie. Et qui dit moins d’investissements à l’étranger dit plus d’investissements et d’emplois sur le territoire national. De plus, il y a fort à parier que la plupart des pays vont se tourner vers les énergies renouvelables dans un futur proche, et nous avons là une chance unique d’être les pionniers dans ce domaine (à l’échelle d’un pays) et donc par la suite, être toujours à la pointe de l’innovation.

 

Ses opposants, sûrement par peur du changement ou par déni de la réalité, déblatèrent toutes sortes de mensonges afin de tromper le peuple :

  • Le prix de mise en œuvre serait exorbitant -> essayez de le comparer au prix que coûterait une transition non atténuée, et qui devra de toute façon se produire un jour ou l’autre.
  • Une dépendance accrue de l’étranger -> seulement dans un premier temps, et il est préférable de devoir compter sur la production électrique de la France ou de l’Allemagne, des pays voisins et amis, que de dépendre de l’approvisionnement en pétrole et en gaz de la Russie, du Kazakhstan ou de la Lybie (80% de l’énergie utilisée en Suisse).
  • Plus d’interdictions et des prescriptions -> cela fait des années que les scientifiques pointent du doigt un mode de consommation suicidaire. Si le peuple ne veut pas changer de mentalité par lui-même, l’état doit intervenir pour notre salut avant qu’il ne soit trop tard.
  • Destruction des paysages suisses -> il est vrai qu’il est important que le lobby éolien ne prenne pas trop d’importance comparativement aux autres domaines d’énergies renouvelables, mais même un nombre important d’éoliennes supplémentaires n’est rien en comparaison de l’impact écologique et climatique de la pollution causée par les énergies fossiles, ou d’un incident nucléaire…
  • Perte de prospérité et d’emplois -> comme indiqué plus haut, la production d’énergie locale permettra au contraire une croissance très importante dans ce domaine. Surtout si elle est mise en œuvre rapidement.

 

Ils mettent aussi en doute toute déduction logique n’allant pas dans leur sens (et dans celui de leur porte-monnaie). Voici donc un florilège des inepties recensées sur leur site internet non-a-la-strategie-energetique.ch :

  • ‘’Un tournant énergétique ne peut pas être réalisé rien qu’avec un peu de bonne volonté’’ -> renseignez-vous sur la politique que l’Angleterre a commencé à mener en 1939 et les résultats obtenus. Aujourd’hui l’effort devra être bien sûr beaucoup plus conséquent, mais plus il sera fait rapidement, moins il sera coûteux. Le seul moyen de donner le coup de pouce dont nous avons besoin est donc basé réellement sur la bonne volonté politique.
  • ‘’Si nous devons dépenser plus d’argent pour l’énergie, cela aura un impact négatif sur l’économie et le travail en Suisse’’ -> C’est sûr que devoir se passer du dernier IPhone 12S++, où ne pas prendre l’avion 8x par année pour aller faire du shopping à Londres ou à Paris aura un énorme impact sur nos conditions de vie… Notre société est tellement tournée vers le superficiel que le fait de devoir augmenter la part de notre temps et de nos dépenses consacrées à des besoins de base paraît complétement fou.
  • ‘’Il existe d’importants potentiels d’économie d’énergie qui ne sont pas exploités pour des raisons de coût’’ -> Là nous sommes d’accord, l’efficacité énergétique n’est pas gratuite et les mesures d’économies comme l’isolation où les appareils économes coûtent cher. Voilà un excellent secteur où rediriger les sommes astronomiques englouties par les modèles obsolètes de l’asile et du social.
  • ‘’Le nucléaire est bien plus efficient et sans risque’’ -> Non, le nucléaire n’est pas une source énergétique d’avenir : 1. Les réserves actuelles d’uranium permettent de poursuivre la consommation actuelle pendant 60 ans. Mais si la production mondiale d’électricité devait être fournie par cette méthode, elles ne dureraient que 3 ans tout au plus. 2. La construction et la mise en service de nouvelles centrales demandent au moins 20 ans, et si vous avez été attentifs, c’est plus que le temps nécessaire pour changer tout notre système de consommation. 3. Personne ne veut s’occuper des déchets produits, et avec raison, car ceux-ci demeurent dangereux pendant plus 100’000 ans… 4. Le rendement de l’énergie nucléaire par rapport à l’investissement est plus faible que pour l’éolien, le solaire ou la géothermie. 5. Fukushima, Tchernobyl, ça vous paraît loin ? Et Lucens ? En Suisse, nous ne sommes malheureusement pas à l’abri d’un incident dans un centrale. Et même si le risque paraît minime, le jeu n’en vaut clairement pas la chandelle. 6. La mise en place de nouvelles méthodes prometteuses (par exemple la fission) ne peut être envisagée dans un délai raisonnable. De plus, la votation n’a aucun poids dans la fin programmée de l’énergie nucléaire en Suisse : l’interdiction de la construction de nouvelles centrales après la mise hors service des centrales actuelles a été votée par l’assemblée fédérale il y a déjà plusieurs années. Ne vous laissez donc pas tromper par ceux qui vous parlent d’un futur basé sur le nucléaire…
  • ‘’Les réserves d’énergies fossiles sont suffisantes et le pic pétrolier ainsi que les risques du réchauffement climatique sont encore extrêmement loin’’ -> renseignez-vous sur le rapport Hirsch, et cherchez par vous-même les nombreuses contradictions qui existent sur les réserves de pétrole.
  • ‘’Un changement au niveau de la Suisse n’aura aucun impact au niveau mondial’’ -> Peut-être pas, mais il aura le mérite de montrer la voie à suivre. Et si un jour il faudra rendre des comptes, nous serons à l’abri.

 

Pour toutes ces raisons, Résistance Helvétique vous appelle à voter OUI à la Stratégie énergétique le 21 mai prochain, et surtout à réfléchir à votre mode consommation !

 

 

RH 63

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